Du monde, du chaud, du bruit à Vandœuvre in Game 2023 : retour d'expérience d'un exposant libriste novice

Être exposant à une convention de jeu-vidéo et de culture geek, quelle idée ? C'est une question sérieuse, et un peu moins d'une mois après qu'elle se soit déroulée, je me la pose encore en constatant la quantité d'énergie que ça m'a demandé.

Nous sommes en 2023, les 2 et 3 septembre, et toute la France se prépare à la rentrée des classes. Toute ? Oui ! Mais une commune lorraine a eu la brillante idée d'organiser la 4e édition de sa convention jeu vidéo et culture geek : Vandœuvre in Game, le week-end qui la précédait !

À coups de mails quelques semaines auparavant, j'ai été mis au courant de cet évènement qui commence à devenir une petite institution dans la métropole nancéienne. « On a un stand, il nous faudrait des gens pour le tenir ». Vando'Libre, la petite association libriste vandopérienne (de Vandœuvre-lès-Nancy) où j'ai élu domicile en débarquant à Nancy pour mes études l'année dernière, à l'époque où elle portait encore le doux nom d'« AFCCLVN », a besoin d'un coup de main. Et ça tombe bien, j'adore donner des coups de main !

Mais Vando'Libre ne fait pas de jeux vidéos, alors qu'allions-nous présenter sur notre stand ? La supériorité de Linux ? Trop typique des libristes… L'installation automatisée de distributions Linux sur une flotte de machines, over-the-network, avec FOG ? Hmm… trop technique ! Des jeux vidéos libres, comme 0 A.D. et SuperTuxKart l'année précédente ? Gagné !

Vandœuvre in Game 2022, 3 septembre - conférence 0 A.D. (1)
Conférence 0 A.D. à Vandœuvre in Game 2022 (l'année dernière donc), Florian Cuny, CC-BY-SA 4.0.

En poursuivant ma lecture en diagonale, un mot me saute aux yeux : « OpenStreetMap ». Stupeur. Incompréhension. Hein ? Okay, va falloir lire le mail attentivement finalement. Peut-être eut-ce été ma première action déraisonnable. Et j'ai finalement lu l'objet du mail : « Vandœuvre-lès-Nancy: Du karting dans Vandœuvre ! ».

Non. Quand même pas. Ils n'auraient quand même pas…

Spoiler : Si. Ils l'ont fait.

Okay, mais comment ? Ça, j'y reviendrai probablement dans un futur billet de blog, mais ce que vous devez savoir pour poursuivre la lecture de ce billet-ci, celui-là, devant vos yeux, c'est que c'est prometteur. Mais c'est pas du tout au point. Cela dit, ça en devient franchement hilarant.

Me voilà le 2 septembre, pas du tout frais comme un gardon (on remerciera le cerveau qui voulait absolument se renseigner sur les autres évènements de ce type, pour « savoir » comment ça se déroulait, MÊME S'IL ÉTAIT DÉJÀ DEUX HEURES DU MATIN), dans le hall principal du palais des sports de Vandœuvre-lès-Nancy. Avec mon badge « Staff » fièrement brandi autour du cou, obtenu en faisant jouer mes contacts pour pouvoir rentrer avant tout le monde, j'avais désormais comme tâche de trouver mon stand. (En vrai, j'étais inscrit sur la liste des exposants…) Comme je n'ai pas vraiment pris part à la mise en place la veille, je ne connaissais pas la disposition des stands. Finalement, grâce à un ami étudiant et lui aussi exposant, et en revoyant des visages déjà connus (ça fait bizarre de passer de « visiteur » à « exposant » d'une année à l'autre cela dit), me voilà au stand Vando'Libre.

9h45. Vandœuvre in Game ouvre au public dans 15 minutes. Et on n'a pas de connexion. Sur aucun des PCs du stand, que l'on partage avec Elysium Fire, une équipe de construction sur Minecraft. Pour nous, c'est gênant, mais pas trop grave : le PC et l'immense télévision pour SuperTuxKart peuvent fonctionner sans connexion, car tout est déjà installé. Mais c'est moins évident de montrer la contribution à OpenStreetMap sans Internet…

10h00. L'heure fatidique. Un flot ininterrompu de visiteurs enragés et surexcités débarque, et tel les eaux d'une inondation qui entrent de tous bords dans une station de métro parisien bondée, nous sommes submergés… Du moins, c'est ce que j'ai imaginé. En réalité, il aura fallu attendre encore quelques minutes avant de voir débarquer les premières visiteuses, suivies des premiers visiteurs.

Et démarre ainsi un flot ininterrompu de personnes. De nouveaux visages. Parfois fatigués, parfois maquillés. De toutes les couleurs, les vêtements et les cheveux. Parfois un Jedi, quelques militaires en camos tous droits sortis de S.T.A.L.K.E.R. Discrets, ou tape-à-l'œil. Ils sont peu nombreux, les cosplayeurs. Les cosplayeuses encore plus. Mais la flamboyance de leur œuvre, de leur audace à venir ainsi jouer le rôle d'un personnage dans une foule d'inconnus, force l'admiration. Que de « magnifique », « incroyable », « impressionnant » que j'ai lâchés sans vraiment y porter attention, tant celle-ci était portée sur les moindres détails si finement reproduits. Un flot qui durera deux jours. De 10h à 19h.

Puis arrivent les premiers curieux, qui viennent timidement poser la question : « Qu'est-ce ? », en pointant du doigt la télévision. Ils voyaient bien qu'il s'agissait d'une « sorte de Mario Kart ». Et de leur expliquer, le plus brièvement et simplement possible (il faut que j'apprenne à faire des pitchs), que « ce jeu — SuperTuxKart — est le résultat du travail de dizaines de passionnés, amateurs et bénévoles, qui, depuis presque 20 ans (SuperTuxKart a débuté en 2004), créent ainsi leur propre Mario Kart, que n'importe qui peut modifier et adapter à sa guise. Et c'est gratuit ! ».

Et c'est ce que la FCCL (service de la Ville Numérique de Vandœuvre-lès-Nancy) et Vando'Libre ont fait : les karts disponibles et jouables ces deux jours-là ont été créés spécialement pour l'occasion, et représentent les mascottes de Vandœuvre in Game. Les modèles sont par ailleurs disponibles sur GitLab sous licence CC-BY-SA 4.0.

Dans un monde virtuel au sol goudronné, trois karts estampillés Vandœuvre in Game à l'effigie des mascottes de l'évènement
Trois des quatre karts à l'effigie des mascottes de Vandœuvre in Game, Lunaire alias Lauriane ABLI-BOUYO, CC-BY-SA 4.0.

Mais pourquoi cette timidité ? C'est une chose qui m'a marquée, car elle a comme disparu, du jour au lendemain, entre le samedi et le dimanche. La faute à un public plus « familial » le dimanche, avec une plus grande quantité d'enfants et de pré-adolescents ? Il faut dire que le dimanche ressemblait plus à un éternel recommencement, où des enfants débarquaient sur un des postes, agitaient la souris dans tous les sens, fermaient les fenêtres d'OpenStreetMap, de Blender, puis tentaient d'ouvrir Minecraft. Puis, voyant que Minecraft n'était pas installé (contrairement aux PCs d'Elysium Fire juste à côté), de repartir aussi vite qu'ils sont arrivés ! Un fléau que nous n'avons pas été les seuls à subir, en témoignaient tous les autres animateurs et animatrices des stands de jeu vidéo autour de nous…

« Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres. », disait un célèbre scribe égyptien. Et rencontres il y a eu, pendant ces deux jours ! Malgré la chaleur, malgré le bruit de la scène, des enfants qui HURLENT leur refus de laisser la manette, les applaudissements pour les vainqueurs et vainqueuses des différents concours et tournois, des larsens lors des conférences, le bruit tout court, et la chaleur d'un bâtiment probablement inadapté à la tenue de ce genre d'évènements en plein épisode d'« été indien ». Malgré tout ça, il y a des visages qui, déjà trois semaines plus tard, ne sont plus qu'un vague souvenir : un sourire, un regard étonné, surpris, impressionné. Il y a des chemins qui ont rencontré le mien, et que j'ai peut-être influencés.

Que dire à deux enfants d'une dizaine d'années chacune, pas plus hautes que trois pommes, tellement passionnées par les jeux vidéos qu'elles envisageaient de devenir développeuses, et à leur mère pour qui ce milieu était totalement inconnu ? L'envie me brûlait de leur dire que c'était un milieu difficile, malheureusement très sexiste… Mais pourquoi vouloir les décourager ainsi de rejoindre cet univers, dans laquelle leur présence même pouvait aider à changer les choses ? « Il me semble que des MJC du Grand Nancy proposent des activités de développement de jeu vidéo, avec des outils adaptés et facile à prendre en main pour les plus jeunes, vous pourriez prendre contact avec eux ? ». J'arborais un sourire que je voulais franc, un peu trop forcé peut-être, puis je vis un soulagement perceptible sur le visage de la mère. « Merci, je me renseignerai. »

Que dire à ce jeune homme incrédule, qui refuse de croire « qu'un jeu créé uniquement par des bénévoles [puisse être] aussi cool » ? Là encore, comme souvent, des réponses contradictoires fusaient dans ma tête. « S'il doit être le symbole d'une seule chose, c'est la démonstration qu'il existe encore des tarés sur Terre prêts à travailler ensemble et à relever des défis impossibles, juste pour le plaisir de se retrouver et de collaborer », ai-je finalement dit, ponctuant le propos de quelques éclats de rire, me reconnaissant dans cette définition de « taré ».

Ce « karting dans Vandœuvre », c'était donc bien peu parmi toutes les choses vues et vécues pendant ces deux jours. Au final, c'était éprouvant. Le bruit, le monde, la chaleur… Il y a bien des choses à apprendre et à faire évoluer pour bien « présenter » le monde du libre, des jeux vidéos libres en particulier.

Mais, indéniablement, c'était une occasion humaine incroyable. Rencontrer des gens de tous horizons. Les voir s'émerveiller, tout comme les voir préférer les jeux « professionnels ». Expliquer ce qu'on fait avec OpenStreetMap, et ce qu'on peut faire avec. Leur faire entrevoir tout ce monde parallèle, alternatif, de la « culture libre ».

Un ami nancéien m'avait dit l'année dernière que la banlieue du Grand Nancy, c'était la « banlieue aux cent langues ». Tout autant de cultures différentes, qui se sont retrouvées en un endroit le temps d'un week-end. Tout un melting-pot de cultures pour en célébrer un autre : celui de la culture geek. Une culture du rêve, du futur et de la magie. Une culture qui cultive les imaginaires, qui permet de s'échapper de ce monde le temps d'un instant ; et peut-être de planter les graines pour un futur meilleur ?


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